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Retour sur la Semaine Européenne de la Microfinance 2013

La microfinance agricole et la gouvernance au cœur des thématiques phares abordées
L’édition 2013 de la Semaine Européenne de la Microfinance, rendez-vous désormais établi du secteur, a rassemblé 378 participants de 59 pays en novembre dernier à Luxembourg. Intitulée « L'avenir de la microfinance : investir dans la croissance inclusive », cette rencontre a donné l’occasion aux acteurs de la microfinance de s’informer, de partager leurs expériences et de débattre des questions d'actualité du secteur au cours des nombreuses sessions thématiques.

Un grand nombre de thèmes ont été déclinés lors de ces sessions tels que la microfinance verte, l’inclusion financière dans la région MENA suite au Printemps Arabe, la microfinance responsable, la première édition de la Semaine Africaine de la Microfinance, sans oublier la question du genre ou de la microassurance. Nous avons choisi de nous intéresser de près à deux sessions qui abordent des thèmes particulièrement proches des préoccupations du secteur de la microfinance en Afrique : la microfinance agricole pour les petits agriculteurs et la gouvernance.
 
Microfinance agricole pour les petits agriculteurs
Modérateur    
- Sven VOLLAND, PlaNet Finance/ UMM
Intervenants   
- Daniela RÖTTGER, Université de Duisburg-Essen/Consultant pour DEG (German Investment and Development Corporation)
- Philippe GUICHANDUT, Fondation Grameen Crédit Agricole  
- Lisa PETERLECHNER, GIZ
- Patrick VAN DAMME, Université de Gand
 
L'agriculture représente un sujet brûlant pour la communauté du développement. Elle est liée à des défis de toutes sortes comme la forte hausse des prix des denrées alimentaires ou l'augmentation des taux d'urbanisation. En tant que tel, les petits agriculteurs représentent un groupe vulnérable et à haut risque pour les institutions de microfinance(IMF) : ils sont soumis la volatilité des prix du marché, à des conditions climatiques défavorables ainsi qu’à un réel manque d'infrastructures. Une étude récemment publiée par le CGAP estime que 90% des petits agriculteurs à travers le monde ne sont actuellement pas desservis par les IMF.
 
Certaines IMF ont développé des produits spécifiques pour les petits agriculteurs. Elles ont modifié en profondeur leurs procédures de crédit afin d’atténuer les risques et les coûts générés par les opérations. Elles ont conçu des produits plus globaux qui prennent en compte les caractéristiques et les mécanismes des chaines de valeur. Cela répond à une réalité : les agriculteurs ne fonctionnent pas en vase clos. Les IMF spécialisées en finance rurale ont entrepris des changements de plusieurs types :
  • la mise en place de calendriers de remboursement liés aux périodes de récolte
  • la suppression des décaissements échelonnés pour les prêts collectifs à responsabilité conjointe
  • la souscription automatique à une assurance liée au prêt
  • la mise en œuvre de produit type crédit warrantage, permettant au producteur d’accéder à un prêt en mettant en garantie une partie de sa production susceptible d’augmenter de valeur sur quelques mois.
Pour limiter les risques, ces IMF ont également adopté un système de gestion des risques appelé« 6C ». Il met l’accent sur 6 axes précis :
  • le bénéficiaire/Character
  • les flux de trésorerie/Cashflow
  • les garanties/Collateral
  • les conditions/Conditions
  • le capital/Capital
  • la culture agricole/Agricultural Crop.
Enfin, la présence d'agents de crédit avec des connaissances agricoles approfondies améliorent considérablement l'efficacité et la rapidité des opérations.

Les partenaires de développement ont un rôle complémentaire à jouer, comme celui de fournir une assistance à la fois financière et technique au secteur de la microfinance agricole. Dans le cas de la GIZ, l’assistance technique se concentre sur trois niveaux :
  • Politique
Au niveau politique, les partenaires de développement peuvent jouer un rôle central dans la coordination du financement agricole, de la diffusion des connaissances et de la sensibilisation. Leur rôle est en effet de sensibiliser les acteurs au fonctionnement des chaînes de valeur agricoles et des institutions financières. L’objectif est deréduire la réticence des IMF à s'engager dans le crédit agricole, par manque d’information ou de méthodologie d’application.
  • Institutionnel
Au niveau institutionnel, la GIZ s’est engagée dans divers domaines : elle a apporté un appui stratégique pour créer un département « agriculture » au sein d’une banque, elle a développé des produits adaptés au secteur et amis en œuvre des formations spécifiques.
  • Bénéficiaires
Les partenaires de développement peuvent apporter, ici, un appui afin d’améliorer l’éducation financières des agriculteurs.
 
Les bailleurs de fonds et les investisseurs présents lors de la séance insistent sur quelques points primordiaux. Selon eux, l’offre de produits adaptés aux petits agriculteurs nécessite des changements structurels au sein de l’IMF. Il ne s’agit pas simplement de s’implanter dans des zones rurales mais aussi d’intégrer la microfinance agricole dans la gouvernance de l’institution et compter sur un engagement fort du conseil d’administration. Par ailleurs, avant de s’engager dans le secteur agricole, l’IMF doit veiller à avoir une qualité de portefeuille irréprochable ainsi qu’un solide réseau d’agences à large portée géographique.
 
Actuellement, peu d'IMF se focalisent sur la finance agricole. Parmi les IMF prises en charge par la Fondation Grameen Crédit Agricole, 20 à 30 % sont engagées dans le financement agricole et diverses adaptations des procédures de crédit sont observées. Elles concernent par exemple le calendrier de remboursement des agriculteurs : les IMF opèrent des ajustements pour équilibrer la capacité de remboursement du client avec sa propre liquidité. Une autre adaptation intéressante est l'extension de la durée du prêt.
 
Pour un investisseur, la diversification produits et le recours à l’assistance technique sont des stratégies adéquates pour atténuer les risques, en particulier dans le secteur de la microfinance agricole. A ce titre, la Fondation Grameen Crédit Agricole travaille avec l'Agence Française de Développement afin d’inclure une assistance technique dans ses investissements, l’objectif étant d'atteindre les IMF avec un profil de risque plus élevé mais finançant le secteur de l'agriculture.
 
Gouvernance : principaux enseignements et défis à venir 
Modérateur      
- Bob BRAGAR, Strategies for Impact Investors
Intervenants    
- Matthias ADLER, KfW
- Tamar LEBANIDZE, JSC Constanta
- Narasimhan SRINIVASAN, Equitas Microfinance
 
« La gouvernance des IMF est une question de confiance par rapport au contrôle, un point crucial pour les amener sur le chemin de la maturité ». La séance s’est articulée autour de cette question, traitée sous différents angles, avec comme principaux conférenciers des investisseurs, des IMF et un consultant indépendant.
 
Du côté des investisseurs
D’après l’un des derniers rapports « Microfinance Banana Skins /Enquête Peaux de Banane », une bonne gouvernance est primordiale, d’autant plus qu’elle est considérée comme l’un des principaux risques par les professionnels de la microfinance.
 
Pour un bailleur de fonds comme la KfW, les principales raisons sont les suivantes :
  • Une bonne gouvernance est une des conditions préalables à un développement institutionnel solide. C’est d’ailleurs une des conditions majeures de réussite quand une IMF opère un changement de forme institutionnelle. Les interventions d'assistance technique axées sur la transformation des IMF devraient, à ce titre, inclure des mesures pour renforcer la structure de gouvernance.
  • Lorsqu’une IMF diversifie son portefeuille de produits, elle est souvent confrontée à des exigences de capital plus élevé. À cet égard, une bonne gouvernance n'est pas seulement nécessaire pour appeler des investisseurs potentiels à apporter de nouveaux capitaux ; elle favorise également une meilleure communication avec la clientèle.
  • La gouvernance est aussi importante dans le cadre de la détermination et la gestion des risques.
Quelques actions clés permettent d’assurer l’efficacité d’un conseil d’administration :
  • Définir le rôle du directeur général dans la sélection des administrateurs ou avoir une composition appropriée de membres ;
  • Préciser le nombre optimal d’administrateurs ;
  • Indiquer le rôle des membres du conseil dans les relations extérieures ;
  • Fixer l’existence de comités chargés de suivre les principales activités de l’entreprise ;
  • Expliquer les mécanismes permettant d’évaluer la contribution de chaque membre ;
  • Circonscrire les responsabilités et les tâches des membres et de ceux de la direction afin d’éviter tout conflit d’intérêt ;
  • Assurer un maintien de la confidentialité des résultats du conseil.
Du côté des IMF
La présidente du conseil d'administration de l’IMF Georgienne JSC Constanta est revenue sur la période de transformation de l’IMF en société commerciale. Cette période s’est accompagnée de la création d'un conseil d'administration stable pour faciliter le processus de transformation, à la fois complexe et long. Selon elle, l’IMF a besoin d'un conseil d'administration solide pour évoluer sereinement sur le long-terme. Pour cela, ses membres doivent non seulement faire preuve de compétences financières en microfinance, d'expériences majeures dans les divers métiers du secteur que de compréhension large des enjeux stratégiques et opérationnels de l’IMF.
 
Toujours du côté des IMF, un membre indépendant du conseil d’administration de l’IMF indienne Equitas Microfinance, a plus étroitement examiné les rôles et responsabilités du conseil d’administration. Il désigne quatre fonctions spécifiques :une fonction fiduciaire, une fonction stratégique, une fonction de supervision et une fonction de développement de la direction.
  • La fonction fiduciaire
Le conseil d’administration est chargé de préserver les intérêts des actionnaires de l’institution. Il fait en cela office de poids et de contrepoids puisqu'il rassure ceux qui ont investi leurs capitaux dans la société, le personnel et les clients de l’institution, et d'autres parties prenantes importantes comme les dirigeant qui doivent servir au mieux les intérêts de l’établissement.
  • La fonction stratégique
Le conseil d’administration participe à la formulation de la stratégie à long terme de l’entreprise en procédant à un examen critique des risques auquel elle est exposée et en approuvant les plans présentés par la direction.
 
Selon Narasimhan SRINIVASAN, membre du conseil d’administration d’Equitas Microfinance, il est primordial que la direction propose une stratégie à la lumière de la mission de l’institution en conservant des pratiques commerciales responsables et en réfrénant des souhaits d’expansion insoutenable et de stratégie tarifaire parfois déloyale.
  • La fonction de supervision
Le conseil d’administration délègue aux dirigeants de l’institution l’autorité nécessaire pour conduire les activités par l'intermédiaire du directeur général. Il supervise l’exécution par les dirigeants du plan stratégique approuvé et il évalue leur performance au regard des objectifs et du calendrier du plan stratégique.
  • La fonction de développement de la direction
Le conseil d’administration supervise la sélection, l’évaluation et la rémunération des cadres supérieurs de l’entreprise. Ces tâches incluent les dispositions à prendre pour assurer la relève au poste de directeur général. En ce sens, le conseil d’administration doit se positionner comme garde-fou contre la rémunération excessive des dirigeants.
 
Ce coup de projecteur a été rédigé à partir de :
Site Internet de la Plateforme européenne de la microfinance : http://www.e-mfp.eu
 
La prochaine édition de la Semaine européenne de la microfinance se déroulera du 12 au 14 novembre 2014 à Luxembourg.

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